En 2022, Asos a signalé une baisse de 8 % de son chiffre d'affaires, un recul inédit depuis sa création en 2000. Les stocks invendus ont atteint des niveaux record alors que les retours clients se sont multipliés, affectant la rentabilité de l'entreprise.
Des accusations de conditions de travail précaires chez certains sous-traitants et des rapports pointant une empreinte carbone élevée ont amplifié la crise. Les choix stratégiques opérés face à ces défis ont eu des répercussions directes sur la réputation du distributeur et sur l'ensemble du secteur de la fast fashion.
La fast fashion, un modèle à bout de souffle ?
Dans les ateliers du Bangladesh, la cadence ne faiblit jamais. Les géants de la fast fashion, H&M, Primark, Uniqlo, Zara, Shein, imposent leur tempo. Production à marche forcée, collections éphémères renouvelées à un rythme effréné, stocks qui débordent. Le constat est implacable : la fast fashion représente à elle seule 8 à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ce modèle, longtemps applaudi pour avoir ouvert la mode au plus grand nombre, expose aujourd'hui ses failles sans détour.Sur place, les conséquences dépassent la simple question environnementale. Les déchets textiles s'accumulent dans les décharges du Ghana, les eaux indonésiennes se colorent de teintes chimiques, et la qualité des vêtements décline à mesure que la production s'accélère. Les fibres synthétiques, prisées pour leur coût réduit, aggravent la pollution des océans en microplastiques. Face à cette logique de vitesse poussée à l'extrême, la fast fashion version Shein ou Asos oppose quantité à valeur, vitesse à durabilité.
Quelques chiffres illustrent l'ampleur du phénomène :
- Au Royaume-Uni, plus d'un milliard de vêtements neufs sont écoulés chaque année.
- En France, 700 000 tonnes de textiles arrivent sur le marché, mais moins d'un quart trouve une seconde vie via le recyclage.
- À l'échelle européenne, la Commission européenne se penche désormais sur l'impact écologique de la filière mode.
La contestation enfle. Les marques tentent de verdir leur image, les clients s'interrogent, l'industrie encaisse le choc. L'ultra fast fashion, fondée sur des flux tendus et une optimisation logistique à outrance, semble avoir touché un point de rupture.
Asos : entre succès commercial et controverses environnementales
Asos, c'est l'histoire d'une ascension spectaculaire : née en 2000 sous l'impulsion de Nick Robertson, la marque britannique s'est glissée en vingt ans parmi les mastodontes mondiaux de la vente en ligne. Plus de 26 millions de clients, une présence dans 200 pays, un catalogue qui tutoie les 85 000 références. Londres, Berlin, Moscou : Asos s'impose comme le temple digital de la mode pour la génération Z.Le succès se lit dans les chiffres : 3,9 milliards de livres de chiffre d'affaires en 2023, croissance soutenue jusqu'à la crise sanitaire. Les investisseurs applaudissent, les clients aussi : rapidité d'expédition, choix pléthorique, politique de retours avantageuse. Le service client d'Asos, souvent cité en exemple, fidélise et dynamise le renouvellement des stocks.
Mais derrière la façade, la controverse environnementale prend de l'ampleur. Comme ses concurrents, Asos n'échappe pas aux critiques concernant ses invendus, le manque de traçabilité ou l'impact de sa logistique sur la planète. La mécanique repose sur des volumes gigantesques, une production mondialisée, des délais serrés. L'entreprise, soumise à la volatilité du marché et à l'évolution rapide des attentes, fait face à une pression accrue pour adopter une mode plus responsable.
Voici quelques repères pour comprendre l'ampleur du modèle :
- Chaque année, plus de 50 millions de colis quittent les entrepôts d'Asos.
- Des plateformes logistiques XXL jalonnent le Royaume-Uni et l'Europe.
- La communication autour du développement durable est scrutée de près par les régulateurs.
La quête de nouveautés permanentes, la volonté d'innover à tout prix et la dépendance à des chaînes d'approvisionnement mondiales soulèvent des questions. Le modèle Asos intrigue autant qu'il divise.
Quelles responsabilités pour les consommateurs face aux dérives de la mode ?
La fast fashion, Asos inclus, avance sous couvert de campagnes écologiques où coton bio et livraison express se disputent la première place. Les consommateurs, happés par le flux incessant de nouveautés, alimentent un système où la surconsommation devient la règle. D'un clic, l'achat est validé, partagé, exhibé sur les réseaux sociaux, la mode suit désormais le rythme des stories.Le rôle des influenceurs est loin d'être anodin : ils dictent les tendances, orientent les achats, créent des envies parfois fugaces. Les marques mode s'appuient sur l'analyse des données, ajustent leurs collections en temps réel. En France et en Europe, le phénomène ne faiblit pas : chaque année, huit kilos de vêtements achetés par habitant, dont la moitié à peine portée, et deux kilos terminant leur course dans les déchets textiles.
Plusieurs réalités s'imposent :
- La pression sur les prix se répercute directement sur l'environnement.
- Les achats répondent désormais plus souvent à une sollicitation algorithmique qu'à un besoin réel.
- Les clients jouent un rôle actif, parfois ambigu, dans la perpétuation du modèle.
Le rapport de force entre marques et consommateurs s'ajuste. Miser sur la qualité, questionner l'origine d'un produit, réfléchir à son usage : ces choix individuels, multipliés à grande échelle, dessinent la silhouette de la mode à venir.
Des alternatives existent : comment s'engager pour une mode plus responsable
Mode responsable : trois mots qui invitent à changer ses réflexes. Face à la saturation de la fast fashion, la volonté d'un vêtement durable, porteur de sens, prend de l'ampleur. Les marques éthiques s'installent dans le paysage, animées par la recherche de transparence et de traçabilité. Fini la production opaque : les clients avertis scrutent les étiquettes, interrogent la provenance, s'intéressent au parcours du produit.L'engouement pour la seconde main s'affirme. Vinted, Vestiaire Collective et d'autres repensent la consommation, offrant des alternatives où renouveler sa garde-robe ne rime pas avec gaspillage. Acheter moins, choisir mieux : la tendance s'ancre. Les consommateurs français plébiscitent les basiques durables et les matières recyclées. Veja, avec ses baskets engagées, prouve que l'exigence environnementale n'exclut pas l'attrait.
Pour ceux qui souhaitent s'orienter vers ces alternatives, voici quelques pistes concrètes :
- Rechercher des labels reconnus comme la fair wear foundation, GOTS ou OEKO-TEX.
- Favoriser les circuits courts pour réduire les kilomètres parcourus et l'empreinte carbone.
- Se pencher sur la politique environnementale des entreprises et exiger des comptes sur leur impact.
Le client d'aujourd'hui n'est plus passif. Il arbitre, il exige, il influence le cours de l'industrie mode. La mode responsable s'invite dans les dressings, les débats, les stratégies de marque. Elle n'est plus réservée à quelques pionniers, elle s'installe, concrètement, dans la réalité du secteur. Et soudain, la question n'est plus de savoir si la fast fashion va changer, mais qui prendra l'initiative du prochain virage.


